Le cycle de workshops d'Evi Keller

Témoignage de Sandra

Le Regard de Sandra né de sa rencontre avec Evi

Ma rencontre avec Evi, c’est un voyage dans le temps, dans l’espace, dans son œuvre, dans sa vie et dans d’autres vies ; les miennes et celles d’un passé qui ne m’appartient que par mon humanité. C’est l’histoire du monde.

Mon corps et mon esprit lourds de fatigue, de douleurs ou d’angoisse se transforment au contact de cette œuvre puissante. Matière-Lumière me questionne sur mon rapport à moi-même et aux mondes visibles et invisibles ; sur mon empreinte sur le monde, un monde d’après, pour moi, mon apocalypse quotidienne.

Ce temps suspendu, cet espace de rencontre et d’échanges est un cadeau précieux, une chance de transcender mes énergies et dans une certaine mesure me transformer intérieurement pour devenir un passeur de lumière. Mon immersion dans l’univers d’Evi m’a redonné un élan vital : c’est l’éclat d’un printemps naissant, ou d’un renouveau. Matière-Lumière : la connexion de la matière et de la spiritualité, une extension vibrante, organique, philosophique, esthétique d’Evi et je me sens maintenant différemment connectée au monde grâce à mon passeur d’histoire, à cette authentique humaniste, exploratrice des au-delàs.

Merci Evi pour ce voyage où le terme « patient » est bien désuet, tant je me sens actrice dans cette démarche, tant je suis dans l’exploration de mes sensibilités artistiques et tant l’impatience de nos échanges à venir me motive pour continuer de raconter des histoires au monde.

Le cycle de workshops de Binta Diaw

Témoignage de Sylvie D.

Quand Isabelle Pujade-Lauraine m’a parlé de son projet Carta Bianca, j’ai tout de suite pensé que ce projet incroyable était porteur de sens, d’humanité et qu’ils m’offraient un cadeau magnifique. J’ai eu en effet cette chance unique de participer à 3 workshops en tant qu’ancienne patiente atteinte de cancer. Ces expériences artistiques, créées par Binta Diaw, artiste de grand talent et avec une profonde sensibilité, et animées par une danseuse inspirante, m’ont permis de vivre des moments remplis d’émotions et de découvertes.

Ces trois workshops m’ont apporté bien plus que de simples moments artistiques. Ils ont été un tremplin pour explorer mes émotions les plus profondes, pour renouer avec la beauté de l’expression artistique. Ils participent à trouver une nouvelle forme d’équilibre et de résilience.
 
Je tiens à remercier chaleureusement les fondateurs du Prix Carta Bianca, Binta Diaw, l’artiste créatrice de ces workshops et l’artiste danseuse qui les a animés. Leur passion et leur bienveillance ont été essentielles pour créer cet espace de liberté du corps et des émotions où nous avons pu nous interconnecter. Je suis profondément reconnaissante d’avoir eu l’opportunité de participer à cette expérience unique et transformative.
 
Avec toute ma gratitude,
 
Sylvie D.
The land of our birth is a woman

Le premier workshop a été un voyage émotionnel intense. Le tressage que nous avons réalisé ensemble symbolisait les liens que nous formons au cours de notre parcours de guérison. C’était à la fois réconfortant et émouvant de voir comment nos histoires se tissaient pour former un réseau de soutien et de compréhension. Cela m’a fait prendre conscience de l’importance de la solidarité et de l’écoute dans notre chemin vers la guérison.

Point et infini, ici et au-delà

Le deuxième workshop, axé sur la mise en mouvement, a été une expérience libératrice pour moi. À travers la danse et les mouvements du corps, j’ai pu exprimer des émotions gardées enfouies. C’était comme si tous ces mouvements de corps me permettaient de mettre des mots sur ce que je ressentais sans avoir à les prononcer. J’ai ressenti une sensation de légèreté et de joie intérieure après cette session, comme si une partie de mon fardeau avait été allégée.

Morphologie : le corps comme métaphore végétale

Enfin, le troisième workshop, autour de la danse-contact, m’a ouvert à un haut niveau de connexion émotionnelle. Le contact avec les autres participantes m’a rappelé l’importance du toucher et de l’intimité dans nos relations humaines. C’était une expérience puissante qui m’a permis de ressentir une profonde empathie et une compréhension mutuelle avec celles qui m’entouraient.

Sylvie D.

Témoignage de Anna H.

L’expérience à laquelle j’ai eu le bonheur de participer a été un moment unique et inoubliable. Avec deux autres anciennes patientes, qui, comme moi, ont été touchées par un cancer du sein et qui sont aujourd’hui en rémission, j’ai pu participer à 3 sessions avec l’artiste Binta Diaw et son amie Alessia Grazzini.

Le premier atelier nous a permis de faire connaissance et de travailler un matériau oh combien symbolique, pour nous qui avons subi des chimiothérapies : le cheveu que nous avons tressé, travaillé, tout en échangeant entre nous sur nos parcours de femmes et de patientes. Instantanément, une relation de confiance et de connivence s’instaure entre nous, nous nous comprenons à demi-mot, nous qui sommes passées par l’épreuve de la maladie et nous nous livrons sans pudeur devant Binta qui nous accueille et nous écoute avec douceur.

Lors du 2ème atelier, nous nous sommes retrouvées au Centre de Danse du Marais où nous avons fait connaissance avec la danseuse italienne Alessia pour une session sur le mouvement, l’énergie. J’ai alors ressenti comme une réappropriation en accélérée de mon corps, lui qui a été abimé, blessé, mutilé même, pendant des mois de traitement.  Cette exploration sensorielle, cette « redécouverte » de mon corps, guidée par la musique et la voix d’Alessia, m’a permis de me reconnecter à une partie de moi-même et de faire remonter à la surface des émotions enfouies. Ce jour-là, j’ai vécu quelque chose de très fort, une reconnexion à certaines sensations, à mon corps, à ma féminité aussi. Je le réapprivoisais en quelque sorte, tout en ressentant l’énergie des autres femmes autour de moi et je me suis sentie tellement vivante !

La 3ème rencontre a eu lieu dans un parc parisien et nous avons allié la danse, la nature, la peinture pour une nouvelle expérience sensorielle intense. Un premier moment d’une danse d’improvisation en gardant en permanence le contact avec son partenaire : allier à la fois l’écoute de son corps et du corps de l’autre, tout en gardant sa liberté. Puis une expérience autour de la peinture, du dessin, en utilisant la nature environnante comme support et ressentir le plaisir de se sentir connecté aux arbres, eux qui ont joué un rôle dans ma guérison, se sentir en lien avec la nature environnante, en vibration avec un monde végétal autour de moi et ressentir pleinement le sentiment d’être en vie.

Merci Isabelle, Merci Binta, Merci Alessia, Merci Sylvie, Merci Alice. Vous m’avez permis de vivre des moments de communion qui resteront à jamais gravés dans mon cœur et de me sentir tellement heureuse d’être là aujourd’hui, et pleine de gratitude, pour vous 5 qui m’avez offert ces instants magiques et intenses.

Témoignage de Alice C.

Ce furent quatre belles rencontres, à l’écart du monde et du temps. Autour de Binta et d’Alessia. Nous étions trois, unies par notre expérience – plus ou moins récente, plus ou moins digérée – du cancer du sein. Avec l’envie, le besoin d’en parler encore et encore, comme des anciens combattants qui évoquent leurs souvenirs de guerre.

La première rencontre, dans un studio cozy du 6e arrondissement, a été faite de paroles échangées, pendant que nos mains tissaient et nouaient des cheveux artificiels – une proposition de Binta qui faisait écho à sa propre pratique artistique comme à notre vécu de femmes qui ont perdu leurs cheveux, connu la perruque, puis le retour de cheveux nouveaux, différents, étranges, étrangers et pourtant combien bienvenus. Echo des cheveux que nous tissions, écho de nos propres cheveux, Binta nous a lu un passage, pioché au hasard, du roman La Tresse, que j’étais la seule à ne pas avoir lu. Je n’en ai sans doute rien entendu vraiment sur le moment, mais le titre ne m’avait pas laissée indifférente, une graine était semée… Retombée par hasard sur le livre quelques mois plus tard, je me suis plongée avidement dans sa lecture. Bouleversante par l’effet-miroir qui surgissait à nouveau et le rappel de cette perte douloureuse de mes cheveux, à la fois déjà si lointaine et en même temps si vite ravivée.

Après les cheveux, c’est le reste du corps qui a surgi, qui s’est abandonné à deux reprises, entre les quatre murs dépouillés du Centre de danse du Marais, grâce à la douce voix, si calme et rassérénante d’Alessia, dont l’anglais mâtiné d’un léger accent italien créait une distance juste et peut-être nécessaire. Il y avait là un miroir, comme il se doit dans une salle de danse, mais c’est vers un miroir intérieur que nous nous sommes tournées, les yeux presque toujours fermés, déambulant dans l’espace, mouvant une partie ou une autre, entraînées par une musique lancinante et un abandon dont je n’aurais pas pensé être capable… Nous avions beaucoup parlé lors de la première séance ; la deuxième était au-delà des mots, dans le ressenti, une expérience intérieure solitaire et pourtant intensément partagée à travers le contact des mains des autres. Nous avions commencé la séance en évoquant nos corps transformés, mutilés, la difficile acceptation, la difficile adaptation. A l’issue de cette danse sensorielle, j’avais un profond sentiment d’unité et de complétude.

La dernière rencontre s’est déroulée au Parc des Buttes-Chaumont, dans une parfaite continuité malgré le changement de cadre et l’espace ouvert au regard des promeneurs. Recherche d’un centre de gravité à deux, d’un équilibre dans la confiance dans l’autre, confiance aussi dans le sens du toucher pour peindre les yeux fermés, oubli de soi pour se laisser recouvrir de peinture à travers une feuille si mince que la peinture semble vouée à passer au travers…

Quatre belles et intenses rencontres. Des graines semées. Des fils tissés. Des nœuds dénoués.

A toutes, MERCI.

Réflexions de Yasmine Berkani

     Ancienne patiente, membre de l’association IMAGYN et participante au projet de Marzia Migliora

 
 
 
 
  • « Toute forme de création qui implique l’imaginaire m’a procuré une liberté de penser, vaste et riche et m’a ouvert des chemins infinis vers une pensée autonome, nouvelle, sans contraintes physiques (douleurs, cicatrices, etc. ). »

 

  • « Produire de la pensée est un acte personnel, irréductible. Sur le mode du plaisir, de la jouissance disent certains ; de repossession de son identité, d’une identité nouvelle qui se crée. Elle s’oppose ou accompagne l’atteinte du corps fragmenté, dissocié, abimé par la maladie et les traitements. Approprié par la médecine, parfois négligente des états d’âme. »

 

  • « Le corps des malades ne leur appartient plus, les regards du corps soignant imposent parfois une dépossession, une dissociation du corps malade pendant les traitements, qui peut persister. Une œuvre pourrait peut-être modifier le regard, l’attitude des soignants. »